salines royales d'arc et senans
La saline royale d'Arc-et-Senans, à proximité de Besançon, est l'œuvre de Claude Nicolas Ledoux. Sa construction, qui débuta en 1775 sous le règne de Louis XVI, est la première
grande réalisation d'architecture industrielle qui reflète l'idéal de progrès du siècle des Lumières. Ce vaste ouvrage fut conçu pour permettre une organisation rationnelle et hiérarchisée du
travail. La construction initiale en demi-cercle devait être suivie de l'édification d'une cité idéale, qui demeura à l'état de projet.
Le sel était, autrefois, une denrée d'autant plus essentielle qu'elle servait à conserver certains aliments comme la viande ou le poisson. Sa consommation supportait un impôt fort impopulaire, la gabelle, perçu par la ferme générale, En Franche Comté, du fait de l'existence dans le sous-sol de gisements de sel gemme, on trouvait des puits salés dont on extrayait le sel par ébullition dans des chaudières chauffées au bois.
À Salins-les Bains ou à Montmorot, on avait construit les chaudières près des puits et l'on amenait le bois des forêts voisines. Près du premier de ces sites, les fermiers généraux décidèrent d'expérimenter une autre méthode : construire une usine d'extraction du sel à proximité de la forêt de la Chaux, au lieu dit le Val d'Amour, entre les villages d'Arc et de Senans, et y amener l'eau salée par une canalisation.
Construite entre 1774 et 1779, la saline royale d'Arc et Senans(Doubs), dont les plans furent approuvés par LouisXV et par Trudaine, est le chef-d'œuvre de Ledoux. On peut y accéder par une route rectiligne tracée à travers la forêt de Chaux. L'entrée, précédée par un péristyle d'd'ordre dorique, dont les proportions massives, d'allure archaïsante, sont copiées de Paëstum, est logée dans une grotte qui donne l'impression de pénétrer dans une mine de sel. L'alliance des colonnes, motif archétypal du néoclassissisme, et de la grotte ornée de concrétions, qui évoque les créations de la renaissance, marque l'opposition, mais aussi l'articulation, entre les forces élémentaires de la nature et le génie organisateur de l'homme, qui traduit les réflexions du XVIIIsiècle– on pense notamment à jean-Jaques Rousseau– sur le rapport entre la technique et la nature.
L'entrée donne sur un vaste espace semi-circulaire entouré de dix bâtiments qui s'ordonnent sur la demi-circonférence et son diamètre. Sur la partie circulaire on trouve la tonnellerie, la forge et les deux bâtiments d'habitation pour les ouvriers ; sur la partie rectiligne les ateliers d'extraction du sel (ou bernes) alternent avec des bâtiments administratifs dont, au centre, le pavillon du directeur, qui contenait à l'origine la direction et la chapelle.
La signification de ce plan est ambivalente : le cercle, figure parfaite, évoque l'harmonie de la Cité idéale, lieu de la concorde dans le travail commun, mais il rappelle aussi les théories
contemporaines de l'organisation et de la surveillance, particulièrement le panoptisme de Jeremy Bentham.
La saline peine à entrer dans une phase de production industrielle et rentable, en raison de la concurrence des marais salants. Après quelques essais peu fructueux, elle doit s'arrêter
définitivement à cause de la révolution française en 1790. Le rêve d'achèvement d'une manufacture, conçue à la fois comme une demeure royale et une nouvelle ville, prend fin.
canalisation en bois transportant le sel